L'équipage s'apprête

I

Ayant entendu ce que Barint vit dans cette île, Brendan est d'autant plus prêt à suivre ses conseils, et s'empresse de préparer son départ. Il choisit quatorze de ses moines, les meilleurs qu'il pût trouver, et il leur fit part de son projet pour savoir s'ils l'approuvaient.

Ayant entendu ce qu'il avait à dire, ils en discutèrent deux à deux. Leur réponse fut unanime : c'était une noble entreprise; ils le suppliaient de les emmener avec lui, eux ses fils fidèles et dignes de confiance. Brendan reprit : « La raison pour laquelle je vous en parle, c'est que je veux m'assurer de votre fidélité avant de vous emmener plutôt que d'avoir à le regretter plus tard. » Les moines lui donnèrent leur parole qu'ils ne le retarderaient pas.

Ayant écouté ce qu'ils avaient à dire, l'abbé se mit à la tête des quatorze qu'il avait choisis, et les conduisit au chapitre. Là, en homme prévoyant, il leur adressa ces mots: « Seigneurs, nous n'avons aucune idée de la difficulté du projet que nous envisageons. Mais prions Dieu de nous montrer le chemin, et, par son plaisir, de nous guider à bon port. Au nom du Saint Esprit jeûnons, pour que Dieu nous guide jusque-là; jeûnons trois jours par semaine pendant quarante jours. »

Alors ils s'empressèrent tous de mettre ses ordres à exécution. Jour et nuit l'abbé ne cessa de prier jusqu'à ce qu'il lui envoyât un ange du ciel pour le guider sur le déroulement de son voyage. La révélation de cet ange inspira chez Brendan la certitude inébranlable que Dieu approuvait son départ.


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Quant ot Brandan la veüe
Que cist out la receüe,
De meilz en creit le soen conseil
E plus enprent sun apareil.
De ses munies quatorze eslist,
Tuz les meilurs qu'il i vit,
E dit lur ad le soen purpens;
Savrat par eols si ço ert sens.
Quant oïrent iço de lui,
Dunc en parlerent dui e dui.
Respundent lui comunalment
Que ço enprist vassalment;
Prïerent l'en ques meint od sei
Cum les seons filz soürs en fei.
Ço dist Brandan: 'Pur cel vos di
Que de vos voil ainz estre fi
Que jo d'ici vos en meinge,
Al repentir puis m'en prenge.'
Cil promettent süurance
Pur eols ne seit demurance.
Dunc prent le abes iceols esliz,
Puis que out oït d'els les diz;
En capitel les ad menez.
Iloec lur dist cum hoem senez :
'Seignurs, ço que penséd avum
Cum el est gref nus nel savum.
Mes prïum Deu que nus enseint,
Par sun plaisir la nus en meint;
E enz el nun al Saint Espirit
Juine faimes que la nus guit,
E junum la quarenteine
Sur les treis jurs la semaine.'
Dunc n'i ad nul qui se target
De ço faire qu'il lur charget.
Ne li abes ne nuit ne jurn
Des ureisuns ne fait tresturn
De ci que Deus li enveiat
Le angel del cel qui l'aveiat
De tut l'eire cum il irat;
Enz en sun quer si l'aspirat
Que tres bien veit e certement
Cum Deus voldrat seon alement.