Préparatifs pour Pâques

I

Les moines accomplirent les ordres de Brendan, et ils y demeurèrent trois jours. Samedi arrive un messager qui les salue de par Dieu. Il avait les cheveux blancs, les yeux jeunes : il avait vécu longtemps à l'abri de tout danger. Il leur apporte du pain sans levain de son pays en forme de grosses miches très blanches; s'il leur manque quelque chose, il promet bien de leur fournir tout ce qu'ils désirent. L'abbé voulut se renseigner sur les conditions de vie du pays. Je ne sais s'il était très causeur, mais le messager lui en dit très peu. « Nous avons », répondit-il, « tout ce que nos coeurs peuvent souhaiter et largement. » L'abbé reprit : « Il y a ici des brebis plus grosses que j'ai jamais vues ailleurs. » L'autre lui répond : « Ce n'est pas étonnant; jamais on ne trait les brebis ici; l'hiver n'est pas rigoureux, et aucune ne meurt de maladie. Monte à bord de ton bateau, Brendan, et va dans cette île que tu vois là-bas. Tu y arriveras cette nuit, et demain tu y célébreras la fête de Pâques. Demain vous partirez avant la fin de la journée; vous verrez très bien la raison de votre retour précipité. Vous reviendrez sans difficulté si vous naviguez en longeant cette côte de près. Vous irez par la suite dans un autre endroit tout près d'ici où j'irai moi-même après vous et où je vous retrouverai; je vous apporterai les provisions qu'il vous faut. »

Sans discuter, Brendan s'embarque pour l'île qu'il distingue clairement. Dieu lui envoya un vent propice, et il fut bientôt arrivé malgré le long parcours qu'il eut à faire; c'est ainsi que voyage celui que Dieu conduit. Ils accostent sans difficulté.


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Que cumandat, iço fait unt,
E par tres dis ileoc estunt.
Al samadi lur vient uns mes,
De la part Deu salüet les.
Peil out chanut, oilz juvenilz:
Mult out vescut sanz tuz perilz.
Pain lur portet de sun païs:
Grant e mult blanz guasteus alis;
E si lur falt nule rien,
Tut lur truverat, ço promet bien.
L'estre d'iloc l'abes anquist.
Ne sai s'osat, mais poi l'en dist;
Ço respundit: 'Asez avum
Quanque des quers penser savum.'
E dist l'abes: 'Berbiz ad ci,
Unc en nul leu tant grant ne vi.'
Respunt lui cil: 'N'est merveille:
Ja ci n'ert traite öeile;
L'ivers n'en fait raëncune,
Ne d'enfertét n'i mort une.
A cel isle que tu veis la,
Entre en ta nef, Brandan, e va.
En cel isle anuit entras
E ta feste demain i fras.
Demain ainz nuit en turnerez;
Pur quei si tost, bien le verrez !
Puis revendrez e sanz peril,
Bien pres siglant de cest costil.
E puis irez en altre liu
U jo en vois e la vus siu.
Mult pres d'ici, la vus truverai;
Asez cunrei vus porterai.'
Siglet Brandan, nel cuntredit;
Vait a l'isle que il bien vit.
Vent out par Deu e tost i fud,
Mais bien grant mer out trescurud;
Eissi vait qui Deus meine.
Terre prennent e sanz peine.