Le paradis aux oiseaux

I

Ainsi parla Brendan. Ensuite il parcourut une grande distance en mer, et bientôt, comme leur avait dit le messager, les moines aperçurent une étendue de terre haute et lumineuse. Ils l'atteignent sans délai et accostent. Tous, sans peur aucune, s'empressent de descendre, et tirent le bateau à sec. Ils remontent lentement le long d'un cours d'eau en traînant leur bateau avec des câbles. A la source du ruisseau se dressait un arbre blanc comme le marbre aux larges feuilles tachetées de rouge et de blanc. L'arbre s'élevait à perte de vue jusque dans les nuages. De la cime jusqu'au sol, il était recouvert d'un branchage touffu et de grande envergure, qui projetait au loin son ombre et masquait la lumière du jour. Les branches étaient toutes couvertes d'oiseaux blancs : personne n'en a jamais vu d'aussi beaux.


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Quant out ço dist l'abes Brandan,
Bien ad curut de mer un grant pan.
Veient terre alte e clere,
Sicum lur out dist cil frere.
Venent i tost e arivent,
Ne de l'eisir ne s'eschivent,
Ne pur altre rien ne dutent,
Mais a terre la nef butent.
Amunt un duit s'en vunt süef
E od cordes traient lur nef.
Al chef del duit out une arbre
Itant blanche cume marbre,
E les fuiles mult sunt ledes,
De ruge e blanc taceledes.
De haltece par vedue
Muntout le arbre sur la nue;
Des le sumét desque en terre
La brancheie mult la serre
E ledement s'estent par l'air,
Umbraiet luin e tolt le clair;
Tute asise de blancs oiseus:
Unches nul hom ne vit tant beus.