Accueil en grande pompe

I

Chemin faisant, l'abbé voulut se renseigner sur le pays où ils étaient arrivés, mais le vieillard resta muet et laissa ses questions sans réponse. Il leur fait pourtant un accueil chaleureux et très joyeux. Ils continuent leur chemin, et bientôt leur destination se découvre à leurs yeux : une belle et admirable abbaye, plus sainte que toute autre au monde. L'abbé du monastère exhibe ses reliques et ses trésors : croix, châsses, évangéliaires ornés avec luxe d'améthystes et garnis d'or et de pierres précieuses non taillées, encensoirs d'or massif incrustés de gemmes. Les vêtements sacerdotaux sont tous brodés d'un or plus  éclatant encore que celui d'Arabie, et lourds d'hyacinthes et d'énormes sardes entiers, les fermoirs resplendissent de topazes et de jaspes. Tous les moines en tenue de cérémonie sortent avec leur abbé et forment une procession des plus nobles et des plus joyeuses.

Ayant embrassé Brendan et tous ses compagnons, les moines les conduisent, la main dans la main, à l'intérieur de leur abbaye, où ils célèbrent un bel office très simple qu'ils s'efforcent de ne pas rendre trop solennel. Ensuite ils vont manger au réfectoire où, hormis la voix des lecteurs, le repas se déroule en silence. Chacun trouve devant soi un pain blanc sans sel, savoureux et sain. A la place des plats cuisinés, on sert des racines comestibles qu'ils trouvent plus nourrissantes que les mets les plus délicats. La boisson qu'ils prennent ensuite est délicieuse : une eau plus douce que le vin sucré. Restaurés, ils se lèvent de table et vont à l'église en psalmodiant. Jusque dans les stalles de l'église les moines continuent tous de chanter le miserere, tous sauf ceux qui avaient servi pendant le repas et qui maintenant prennent leur tour à table dans le réfectoire.




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Cume alouent, le abes ad quis
Quels leus ço seit u se sunt mis.
Mais cil se taist, respuns ne fait;
Goït les fort od mult dulz hait.
Tant unt alét que ore veient
Le leu u il aler deient:
Abeïe bele e bone;
Plus sainte n'at suth le trone.
Le abes del leu fait porter fors
Ses reliques e ses tresors:
Cruz e fertres e les tistes,
Bien engemmét de amestistes,
De or adubez e de peres
Precïuses e enteres,
Od encensers de or amassét
E les gemmes enz encassét.
Li vestiment sunt tuit a or;
En Arabie nen at si sor;
Od jagunces e sardines
Forment grandes e entrines;
Od tupazes e od les jaspes
Itant clers sunt les haspes.
Tuit li moine sunt revestud,
Od lur abét sunt fors eisud.
Od grant goie e grant dulceur
Processïun funt li seignur.
E quant baisét se sunt trestuit,
Chescun le altre par la main duit.
Meinent les en lur abeïe,
Brandan e sa cumpainie.
Servise funt bel e leger;
Nel voleient trop agreger.
Puis vunt manger en refraitur
U tuit taisent for li litur.
Devant eals unt dulz e blanc pain
Bien savurét e forment sain.
Racines unt en lu de mes,
Qui sur deintez saülent les.
Puis unt beivre mult savurét:
Aigue dulce plus de murét.
Quant sunt refait, levét s'en sunt
E verseilant al muster vunt.
Vunt verseilant miserere
Desque en estals tuit li frere
Fors iceals qui servirent;
En refreitur cil resirent.