Le retour chez les oiseaux

I

Le saint repartit aussitôt et fit voile en direction de l'Île aux Oiseaux où ils avaient abordé auparavant. Ils ne manquèrent pas de reconnaître l'arbre blanc et les oiseaux perchés sur les branches. De loin sur la mer ils entendirent l'accueil que les oiseaux leur faisaient : ils ne cessèrent de chanter jusqu'à l'arrivée des pèlerins sur terre. Ceux-ci remontent leur bateau le long du cours d'eau où ils avaient trouvé un port lors de leur première visite. Voici leur hôte qui dresse un pavillon : il leur avait amené un plein bateau de provisions. Il leur dit : «Vous resterez ici quelques temps. Moi, avec votre permission, je repars. Vous demeurerez ici sans rencontrer de difficulté jusqu'à l'octave de la Pentecôte. N'ayez pas peur; je ne tarderai pas à revenir. Je viendrai vous aider quand il le faudra. » Ayant amarré leur bateau avec des chaînes, les frères passent huit semaines sur l'île. Quand l'heure du départ arrive, l'un des oiseaux se mettre à descendre vers eux. Il décrivit un large cercle avant de venir se poser sur la proue.

Voyant qu'il désire parler, Brendan commande à chacun de se taire : « Seigneurs », dit l'oiseau, « vous reviendrez sur cette île tous les sept ans, et chaque année à Noël vous irez séjourner sur l'île d'Ailbe. Vous célébrerez la communion de Pâques et le lavement des pieds là où votre hôte l'a prescrit. Et chaque année vous célébrerez la fête de Pâques sur la baleine. » Ayant ainsi parlé, il rejoignit le sommet de l'arbre d'où il était descendu. Le bateau gagne le large et danse sur l'eau au-dessus des profondeurs. Tous guettent l'arrivée de l'hôte. Il ne tarde pas à se présenter, son bateau chargé de provisions, et il fait transborder sur le vaisseau des frères une quantité de ravitaillement précieux. Puis il invoque le Fils de la Vierge en le priant de protéger l'équipage des moines. Ils fixent un terme pour le retour. Le départ leur fait venir les larmes aux yeux.


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Alat s'en tost e curt li sainz
Vers les oiseus u furent ainz.
Bien unt choisit le arbre blanche
E les oiseals sur la branche.
De luin en mer bien oïrent
Cum li oiseals les goïrent:
De lur canter ne firent fin
Desque arivé sunt li pelerin.
Traient lur nef amunt le gort
La u devant ourent lur port.
Ast lur hoste chi tent un tref:
Cunreid portet pleine sa nef.
Dist lur: 'Ci estreiz del tens un poi.
A voz cungez jo m'en revoi.
Ici mandrez e sanz custe
Desque uitaves de Pentecoste.
Ne dutez rien; ne demurai:
Quant mesters ert, vus succurrai.'
Ferment lur nef od chaines,
E sunt iloec uit semaines.
Quant vint le tens de lur aler,
L'un des oiseals prent avaler:
Sun vol ad fait tut a cerne,
Puis s'est assis sur la verne.
Parler voldrat; Brandan le veit,
Dist a checun que em pais seit:
'Seignurs', ço dist, 'a cest sujurn
Tuz cez set anz freiz vostre turn.
Chascun an al Naël Deu
Sujurnerez en l'isle Albeu;
La ceine freiz e le mandét
U vostre hoste l'at cumandét.
E chescun an freiz la feste
De la Pasche sur la beste'.
Quant out ço dist, si s'en alat
Ensum l'arbre dum devolat.
La nef en mer parfunt flotet;
L'oste chescuns aböotet.
Chil de venir ne s'est targét:
Vent de cunrei sun bat chargét,
E de sa nef charget la lur
Od bon cunrei de grant valur.
Puis apelet Filz Marie
Qui guart cele cumpainie.
Del revenir metent termes.
Al departir fundent lermes.