Aux approches de l'Enfer

I

Le vent emporte le bateau, ce qui leur permet de s'enfuir. Poussés par un vent propice, ils s'éloignèrent, mais non sans se retourner plusieurs fois pour contempler l'île en flammes et couronnée de fumée. Ils voient plusieurs milliers de diables et entendent crier et se lamenter les damnés. Une odeur des plus nauséabondes, portée par la fumée qui se répand loin dans le ciel, flotte jusqu'à eux. Ils la supportèrent de leur mieux, et firent tout ce qu'ils pouvaient pour y échapper. Plus un homme de Dieu connaît de dures épreuves - la faim, la soif, le froid, le chaud, l'angoisse, la tristesse, la peur - , plus augmente le bonheur que Dieu lui réserve. Il en va ainsi de Brendan et de ses compagnons maintenant qu'ils ont vu le lieu où sont reçus les damnés : leur confiance en Dieu s'affermit, et ils ne se permettent plus de manquer de foi. Ils continuent leur voyage sans crainte; ils se savent sur la bonne voie.




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Li venz la nef ad cunduite,
Pur quei d'iloec pregnent fuite.
Al vent portant s'en alerent,
Mais la suvent reguarderent:
L'isle virent alumee
E cuverte de fumee.
Malsfez veient millers plusurs;
Criz de dampnez oënt e plurs.
Püur lur vent forment grant
Del fum chi luign par l'air s'espant.
Endurerent cum melz pourent;
Eschiverent cum plus sourent.
Sainz hoem cum ad plusurs travailz
De faim, de seif, de freiz, de calz,
Ainxe, tristur e granz poürs,
De tant vers Deu creist sis oürs.
Eisi est d'els puis q'unt voüd
U li dampnez sunt reçoüd :
En Deu ferment lur fïance,
N'i aturnent mescreance.
Vunt s'en avant, n'i dutent rien;
Par ço sevent que espleitent bien.