Le volcan

I

A peine l'aube parut-elle le lendemain qu'ils aperçurent, tout près de là où ils étaient, une montagne couverte de nuages, vers laquelle le vent les poussait de force. Ils atteignirent la côte sans tarder, mais n'y trouvèrent que de très hautes falaises. Quant à la montagne, aucun d'eux ne pouvait discerner jusqu'où elle s'élevait : les versants descendaient en pente régulière depuis la partie la plus élevée jusqu'au rivage. La terre était entièrement noire; ils n'avaient rien vu de comparable dans tout leur voyage. Un des moines, pour une raison qu'ils ignoraient tous, s'élança par-dessus bord, et les autres ne le retrouvèrent pas. Ils avaient tous entendu ce qu'il leur dit, mais l'abbé seul le vit de ses propres yeux : « Seigneurs, on m'arrache d'entre vous pour mes péchés, soyez-en certains ! » Et l'abbé le voit entraîné par cent diables qui le font hurler. Les moines, pris de peur et regardant derrière eux, quittent les lieux pour aller ailleurs. La fumée s'étant dégagée de la montagne, ils voient les portes béantes de l'Enfer. Il en sort feu, flammes, perches enflammées, lames, poix et soufre; tout s'envole haut dans le ciel et puis retombe pour s'engloutir de nouveau et reprendre sa place dans le puits.


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Ne demurat fors al matin
Virent un lu pres lur veisin:
Un munt cuvert de nublece;
Las meineit vent par destrecce.
Vindrent i tost al rivage,
Mais mult ert de halt estage:
Nuls d'els trestuz choisir ne pout
La haltece que li munz out.
Vers la rive plus ne descent
Que la u plus amunt s'estent.
E la terre est tute neire;
Tel nen out en tut lur eire.
Pur quel chose il ne sourent,
Salt en l'uns fors; puis ne l'ourent.
Tuit unt oïd qu'il lur ad dit,
Mais sul l'abes des uilz le vit:
'Seignur, or de vus sui preiez
Pur mes pechez, bien le crëez.'
E li abes le veit traire
A cent malfez chi le funt braire.
Turnent d'iloec, ailurs en vunt;
Reguardent sei quar poür unt.
Del fum li munz est descuverz,
Enfern veient tut aüverz.
Enfers jetet fus e flammes,
Perches ardanz e les lammes,
Peiz e sufre desque as nües,
Puis les receit, quar sunt sües.