Divers supplices de Judas

XL

« Le lundi, nuit et jour, je suis mis à tournoyer sur la roue, et, accroché à l'intérieur, malheureux que je suis, je tourne aussi rapidement que souffle le vent. C'est le vent qui entraîne la roue partout à travers le ciel : je suis constamment ballotté, tantôt dans un sens, tantôt dans l'autre. « Puis le lendemain,  abasourdi, j'en suis précipité, et je vole au-dessus de la mer pour retomber dans le deuxième Enfer où il y a tant de supplices. Là je suis vite mis dans les fers sous les huées des diables; on me couche à plat sur des tiges de fer pointues, et me fait rouer de coups, d'objets lourds et de rochers. Là je suis si souvent embroché que vous m'en voyez le corps tout criblé de trous. Le mercredi je suis violemment rejeté en haut, où on me varie les peines : pour une grande partie de la journée, je bous dans la poix qui me noircit tel que vous me voyez maintenant; j'en suis retiré ensuite et mis à rôtir, lié à un poteau entre deux feux. Le poteau de fer est planté là à mon intention, pas pour autre chose. Il est aussi rouge que s'il était resté dix ans dans un feu constamment avivé au soufflet. Et à cause de la poix, le feu prend sur tout mon corps pour augmenter mon supplice; puis je suis de nouveau précipité dans la poix, dont je suis enduit pour mieux brûler. Il n'est pas de marbre assez dur qui ne fonde une fois mis dans ce feu, mais moi, je suis fait exprès pour ce tourment, car mon corps ne peut en aucune façon périr. Toute une journée et une nuit je subis ce supplice, quel que soit le tourment que je souffre.




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Par lundi e nuit e jurn
En la roe sui en tresturn,
Et jo chaitis, encröez enz,
Turni tant tost cum fait li venz.
Venz la cunduit par tut cel air :
Tot dis m'en voi, tot di repair.

Puis el demain en sui galiz
Cum cil qui est tot acaliz;
Ultre la mer vol en le val
A l'altre enfern u tant ad mal.
Iloces sui tost ferlïez,
De dïables mult escrïez;
El lit sui mis sur les broches;
Sur mei mettent plums e roches;
Iloces sui si espëez
Que mun cors tant percét vëez.
Al mecredi sus sui rüez
U li perilz m'i est müez:
Pose del jurn buil en la peiz
U sui si teinz cum ore veiz;
Puis sui ostét e mis al rost,
Entre dous fus liéd al post.
Li post de fer fichét i est;
Se pur mei nun, pur el n'i est.
Tant est ruges cume si dis anz
En fus goüst as fols sufflanz.
E pur la peiz li fus s'i prent
Pur enforcer le men turment;
E dunc resui en peiz rüez,
Pur plus ardeir sui enlüez.
Ne n'est marbres nuls itant durs
Ne fust remis se fust mis surs,
Mais jo sui fait a icest' ire
Que mis cors ne poit defire.
Itel peine, que que m'anuit,
Ai tut un jurn e une nuit.