Paul l'ermite

XL

Continuant leur voyage, ils voient se dresser, tout isolée au milieu de la mer, une très haute montagne. Ils y arrivent sans tarder, mais trouvent la côte abrupte et menaçante. L'abbé leur dit : « Je descends du bateau. Que personne ne s'éloigne d'ici, sauf moi » Il gravit la montagne, et ce n'est qu'au bout d'une longue distance qu'il trouve quelque chose. Il suivait un chemin rocailleux lorsqu'il tomba, tout d'un coup, sur un rocher, de l'intérieur duquel un homme surgit aussitôt. Il avait l'air saint et semblait être un religieux. Il appela Brendan, dont il connaissait le nom par l'intermédiaire de Dieu, et l'invita à s'approcher; l'ayant embrassé il lui dit d'amener tous ses compagnons sans exception. Brendan va les chercher et les fait venir. Ils amarrent leur bateau au rocher. Les appelant chacun par leur nom, le religieux dit : « Avancez et embrassez-moi ! » Les moines obéirent. Il les emmène à sa demeure, qu'il leur fait visiter. Ils acceptent son invitation à se reposer. Ils s'émerveillent de voir comment il est, et la façon dont il s'habille : pour tout vêtement il a ses poils qui le recouvrent comme une enveloppe. Il a un regard angélique et tout le corps céleste. Les poils de ce moine sont d'un blanc plus éclatant que neige. Brendan lui dit : « Très cher père, dis-moi qui tu es. » « Volontiers », répond-il.« Je m'appelle Paul l'Ermite. Je suis exempt ici de toute souffrance. Voici très longtemps que je suis ici, et j'y suis venu guidé par Dieu. Dans le monde, j'étais ermite et j'habitais dans la forêt; c'était la vie que j'avais choisie, et je servais Dieu de mon mieux et selon le peu de capacités que je possédais. Il eut la bonté d'accepter mon service, et il m'en attribua plus de mérite qu'il ne m'était dû. C'est là qu'il me donna l'ordre de venir ici attendre mon élévation à la gloire éternelle. Comment je suis venu ici ? Je montai à bord d'un bateau que je trouvai tout prêt à me recevoir; Dieu me conduisit rapidement par un calme plat, et quand j'eus débarqué, le bateau repartit.




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Sicum il vunt, veient ester
Un munt mult halt tut sul en mer,
Tost i venent, mais la rive
Roiste lur ert e escive.
L'abes lur dist: 'Istrai m'en fors.
Ne movet uns fors sul mun cors !'
Puiet le munt e lunges vait
Ainz que trovét nule rien ait.
Par un rochét sa veie tint,
Une bodme puis li survint.
Eisit uns hom tost de cel liu,
Religïus semblout e piu.
Cil apelet Brandan avant,
Quar par Deu fud sun nun savant,
Puis le baiset, ses cumpaignuns
Dist qu'amenget: ne failet uns.
Vait i Brandans, fait les venir,
Funt al rochét le nef tenir.
Cil ad tuz numez par sei:
'Venez avant e baisez mei!'
Cil li firent. Puis les menet
A sun estre, lur enseignet.
Cil reposent cum lur ad dit.
Merveillent lui e sun habit:
N'ad vestement fors de sun peil
Dum est cuvert si cum de veil;
Reguard aveit angelïel
E tut le cors celestïel;
N'est si blance neifs ne clere
Cumme li peilz d'icest frere.
Dist lui Brandans: 'Beal pere chers,
Di mei qui es.' Cil: 'Volunters!
Jo ai nun Pols li hermites.
De tuz dolurs sui ci quites.
Ci ai estét grant e lunc tens,
E ça m'en vinc par Deu asens.
El secle fui hermite en bois:
Cele vie pris en mun cois;
Secund le sens que aveie poi,
Deu serveie si cume soi.
Il le cuilit par sa buntét,
Qu'a plus que n'est le m'at cuntét.
La me mandat que ci venisse
U ma glorie attendisse.
Cument i vinc? En nef entrai
Tute preste cum la truvai;
Deus me cunduist tost e süef;
Quant arivai, ralat la nef.