La dernière étape

XL

Les moines retournent voir leur hôte sous un ciel chargé de nuages très noirs. Même en naviguant droit devant eux, il leur faut beaucoup de temps avant d'arriver, et le jeudi de la Cène ils accostent à grand-peine. Ils restent là, comme par le passé, jusqu'au jour prévu pour leur départ. Samedi ils arrivent sur la baleine : ils célèbrent la fête comme les années précédentes, sachant que maintenant le poisson les sert depuis sept ans. Ils chantent les louanges de Dieu; grâce à sa puissance assurée, ils sont sains et saufs. Le lendemain ils profitent du vent propice pour repartir. Ils mettent le cap directement sur l'île aux Oiseaux, où ils demeureront deux mois. Ils y passent le temps en réjouissances, en attendant l'arrivée du bon hôte qui leur servira de guide sûr; il les accompagnera dans le voyage tout à fait splendide qu'ils vont faire. Sachant que le parcours sera long, l'hôte prépare tout ce dont ils auront besoin. Il sait tout ce qu'il leur faut, et par conséquent les approvisionne en tout ce qu'il peut trouver.

Brendan et ses moines prennent le large en compagnie de leur hôte; ils ne reviendront plus jamais. Ils mettent le cap sur l'est. Il n'est pas question de faire fausse route, car il se trouve à bord quelqu'un qui sait les guider là où il faut, et qui leur inspire la joie et la réjouissance. Ils poursuivent ainsi leur chemin en haute met sans interruption aucune pendant quarante jours, sans voir autre chose que la mer et le ciel au-dessus de leur tête.


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Or turnent vers lur hoste,
Si unt niule mult enposte.
Siglent lunges ainz que veingent,
Ja seit ço que dreit curs teingent,
E al jusdi de la ceine
La i venent a grant peine.
Iloec estunt, cum soleient,
Desque la que muveir deient.
Le samadi al peisun vunt:
Cum altres anz la feste i funt,
E bien sevent qu'or ad set anz
Que li peisuns est lur servanz.
Deu en loient: n'i unt perte
Pur la vertud de Deu certe.
E l'endemain d'iloec movent
A itel vent cum il trovent.
Vers les oiseals tut dreit en vunt
La u dous meis sujurnerunt.
Iloec estunt a grant deduit,
E atendent le bon cunduit
Del bon hoste qui frat od eals
L'eire qui est tant bons e beals.
Cil aprestet tuz lur busuinz
Quar bien saveit que l'eire est luinz;
E bien set tut que lur estot,
Pur ço guarnist de quanque poet.
Entrent en mer, l'ostes ovoec;
Ne revendrunt jamais iloec.
Tendent lur curs vers orïent.
De l'esguarer n'i funt nïent:
Tel i at enz en qui cunduit
Vunt a goie e a deduit.
A curs entrin sanz defalte
Quarante dis en mer halte
Eisi curent que ne lur pert
Fors mer e cel qui sur eals ert.