NotesLes sources

  A la base du texte, il y a bien sûr des traditions orales. Cette histoire s'est probablement enrichie au gré des conteurs de nouvelles aventures et de nouveaux symboles en accord avec l'auditoire et la sensibilité de l'époque.

  La « Navigatio sancti Brendani Abbatis » est le plus ancien texte connu. Écrit en latin, il remonte au moins au IXème siècle. Son auteur est un moine irlandais qui vivait dans un monastère de Lotharingie. Ce n'est pas aussi étrange qu'il le paraît à première vue, car beaucoup de moines irlandais avait débarqué sur le continent, d'une part pour fuir les hordes vikings, d'autre part pour y enseigner le monachisme (vie monastique) insulaire.

  Parallèlement , est écrit une « Vita sancti Brendani ». Ce dernier texte parle plus particulièrement de la vie de Brendan, soulignant sa sainteté et donnant d'amples détails sur son lignage et son enfance.

  Vers le Xème siècle, on voit apparaître des copies du manuscrit de la Navigatio. Ces copies sont faites dans des abbayes germaniques.

  Le succès de cette histoire est tel sur le Continent que de nombreuses traductions et adaptations sont écrites dans des langues vernaculaires (indigènes), et ceci jusqu'au XIIIème siècle environ.

  La plus célèbre et, à mon avis, la plus belle de ces adaptations est « Le voyage de saint Brendan ». Ce poème a été composé entre 1106 et 1121 en dialecte anglo-normand par un clerc du nom de Benedeit.

La « Navigatio ».

Il est difficile de faire la part du réel et de l'imaginaire dans ce texte. Il mêle :

  Le récit des exploits de nombreux marins irlandais et la description de terres probablement visitées (l'Islande: Ultime Thulé, l'Atlantique Nord et ses icebergs, les îles Canaries : îles Fortunées, certaines îles d'Amérique Centrale et les côtes de l'Amérique du Nord).

  Une inspiration née de plusieurs récits légendaires de la tradition orale irlandaise, comme « le voyage de Bran » ou celui de « Maelduin ». Dans ces contes, les héros vont d'îles en îles dans une quête mystique de « l'Autre Monde ».

La littérature orientale. Le livre des « Aventures de Sinbad le Marin », écrit au Xème siècle, a des rapports étroits avec le texte de la « Navigatio ». On y retrouve le séjour sur le dos d'une baleine et la découverte d'un palais désert. Ceci confirme d'ailleurs les relations qui existaient à l'époque carolingienne entre l'Europe et le Moyen-Orient.

  La littérature gréco-romaine. L'épisode de Judas peut faire penser à Prométhée. L'Oyssée d'Homère ou l'Enéide de Virgile sont tous deux des épopées qui ont peut-être inspiré l'auteur de la Navigatio.

En dépit de toutes ces analogies, la Navigatio reste un texte profondément original et c'est en cela qu'il connaîtra un tel succès.

 


Le Voyage de saint Brendan,
bibliothèque universitaire,
Heidelberg, XVème siècle

Le  «Voyage de saint Brendan »

C'est un poème de 1834 octosyllabes à rimes plates. Benedeit l'a dédié à la reine Adeliza, deuxième épouse de Henri I de Beauclerc, duc de Normandie et roi d'Angleterre.

Le texte est écrit en dialecte anglo-normand. La littérature anglo-normande fait partie intégrante de la littérature française du Moyen Age. Depuis la conquête de Guillaume en 1066 jusqu'à l'époque de Chaucer au XIVème siècle, la majeure partie des textes littéraires écrits en Grande-Bretagne étaient d'expression française.

Benedeit suit fidèlement le texte de la Navigatio mais va accentuer le réalisme du texte. Il met en valeur le merveilleux et le fantastique en enrichissant son poème de nombreuses descriptions détaillées. En cela, il obéit peut-être à la nouvelle sensibilité de l'époque.