Les bestiaires ne sont pas des traités scientifiques. Si l’homme et la femme du Moyen-âge savent très bien observer la faune, ils font une différence entre le réel et la vérité. Le réel se situe sur un plan physique, abordable par les sens et utile au quotidien. La vérité, elle, est métaphysique. De la même manière que la Terre, au centre de l’Univers, n’existe que pour l’homme, tous les êtres vivants qui la peuplent ne sont là que pour le servir. Il s’agit donc de découvrir de quelle manière chaque animal va donner une leçon qui mènera le peuple chrétien sur la voie du salut.

Ainsi un bestiaire est un ouvrage en prose ou en vers, utilisant la description d’un choix d’animaux réels ou légendaires, interprétée d’une façon symbolique, en vue d’un enseignement moral et religieux.

Les bestiaires dérivent tous plus ou moins du « Physiologos », compilation alexandrine du IIème siècle. Traduit d’abord en diverses langues orientales, il a fait, du Vème au IXème siècle l’objet de nombreuses traductions latines.

A partir du XIIème siècle apparaissent différentes versions en langue vulgaire qui ont contribué à la fortune du genre. Ces bestiaires s’enrichissent de nouveaux apports et s’inspirent non seulement de la tradition antique (Aristote, Pline, Solin) et de la Bible, mais aussi des Etymologiae d’Isidore de Séville. De plus, de nouveaux animaux font leur apparition et griffon, licorne et serre rejoignent brebis, lions et éléphants.

Parmi les plus célèbres de ces bestiaires, on peut citer :

Le bestiaire de Philippe de Thaon, clerc vivant en Angleterre dans le premier tiers du XIIème siècle. Il écrit une version rimée en anglo-normand de plus de 3000 vers qu’on a pu dater approximativement : vers 1121 – 1135.

Une version en prose de Pierre de Beauvais (avant 1217) . L’œuvre s’intègre dans un courant de vulgarisation. Il est le plus proche de la source commune. Il existe deux rédactions de ce bestiaire, l’une courte et une version longue de 71 chapitres.

Une adaptation en vers de Guillaume le Clerc, clerc marié, de condition modeste et né en Normandie. Son bestiaire (environ 1210 – 1211) est sans doute la plus élaborée des versions issues directement du Physiologos et la plus personnelle.

Le Bestiaire d’Amour de Richard de Fournival (milieu du XIIIème siècle) rompt avec les règles de symbolisme animal en usage dans ce genre. L’animal perd son rôle symbolique pour devenir un simple élément de comparaison. Richard de Fournival est un poète érudit et son bestiaire ressemble plus à un jeu intellectuel qu’à un manuel de morale.

Les compilations encyclopédiques du XIIIème siècle. Elles s’inspirent des bestiaires mais veulent avoir une approche plus scientifique :

Le Speculum naturale de Vincent de Beauvais

De Proprietatibus de Barthélémy l’Anglais

Le Livre du Trésor de Brunetto Latini.

Dans le bestiaire de frère Daimhlaic, j’ai mis en scène un équipier de saint Brendan, marin, moine et un peu enlumineur qui répertoriera les animaux que les voyageurs rencontrèrent durant leur périple. Cette histoire m’a souvent fait sourire et pourtant je n’oublie pas que nos descendants s’amuseront certainement de la même manière de notre propre conception du monde…

Dominique Tixhon