Le jour de Pâques, nous accostâmes sur une île. Après avoir célébré un office solennel sur notre bateau, nous prîmes pied sur la terre. Certains d’entre nous s’occupèrent de la viande que nous allions faire cuire et, de mon côté, je me mis en quête de bois pour faire le feu. Lorsque tout fut prêt, nous nous assîmes et appelâmes notre abbé qui était resté à bord du bateau. Soudain, toute la terre se mit en mouvement et s’éloigna à toute allure du bateau. Nous nous mîmes à crier et à supplier notre abbé de nous aider. Il nous lança de longues cordes et nous réussîmes tous à regagner notre embarcation. Nous regardions avec terreur notre île s’éloigner à toute vitesse, brillante du feu que nous y avions allumé. Notre abbé nous expliqua alors ce qui était arrivé : Ce n’était pas sur la terre ferme que nous nous proposions de célébrer notre fête mais sur le plus grand des poissons de la mer.

La baleine, aussi appelée cète, est un poisson aussi grand qu'une île et qui souvent s'échoue, car elle ne peut nager que là où la mer est profonde de plus de 200 pieds. C'est un monstre étonnant et dangereux. Les écailles qui se trouvent au sommet de son dos ont l'aspect du sable. Les marins pourchassés par la tempête viennent chercher refuge sur ce qu'ils prennent pour une île. Ils débarquent et préparent le feu. Quand la baleine sent la chaleur du feu, elle plonge au plus profond des eaux entraînant avec elle le navire et son équipage. C'est dans le même piège que tombent les pécheurs qui ont mis leur confiance dans le diable. Lorsque celui-ci sent le malheureux bien agrippé à lui, il plonge et l'entraîne au plus profond de l'enfer.

La baleine est terrifiante, sa gueule est énorme et noire à l’intérieur. Ses dents, très nombreuses et aiguisées comme des lames, semblent se rejoindre. Elle peut engloutir des proies aussi grandes qu’un ours en une bouchée. Quand la faim le prend, le cète ouvre largement la gueule. Il sort alors de sa bouche un parfum très agréable. Aussitôt tous les poissons se précipitent dans sa gueule, attirés par l’odeur délicieuse qui s’en dégage. La baleine les engloutit dans sa panse aussi large qu’une vallée. Le diable agit de la même manière qui appâte les hommes de peu de foi par les plaisirs charnels et terrestres. Lorsqu’ils sont étroitement liés à lui, il ouvre la gueule et les engloutit.

C'est une baleine qui recueillit Jonas dans son ventre et celui-ci était si vaste qu'il avait la grandeur de l'enfer. Nous nous sommes donc approchés de la gueule de l'enfer, attirés par son apparence de douceur. Le feu que nous y avions allumé représente les mauvaises pensées et les mauvaises actions que nous avions commises. Lorsque le diable s'est mis en mouvement et nous a montré son vrai visage, nous avons pu nous enfuir, par la grâce de Dieu et de notre saint abbé. Le démon n'a ainsi emporté que le mal qui était en nous, nous laissant purs et innocents pour pouvoir continuer notre chemin.

Notre foi en Dieu fut renforcée par cette aventure. Dieu nous a amenés sur ce poisson pour nous donner une leçon : plus nous verrons de ces merveilles, plus nous croirons en lui.