Madame la reine Aélis, grâce à qui la religion chrétienne prévaudra et la justice en ce bas monde s'affermira, et par qui un terme sera mis à tant de guerres en vertu de la puissance militaire du roi Henri et des sages conseils que vous saurez prodiguer, l'émissaire Dom Benoît vous salue mille et mille fois. Il a entrepris la tâche que vous lui avez imposée et s'y est engagé de son mieux; et il a consigné par écrit en langue vulgaire, ainsi que vous l'avez commandé, l'histoire du bon abbé saint Brendan. Veillez à ce qu'il ne soit pas tourné en dérision, puisqu'il dit ce qu'il sait et fait ce qu'il peut : un tel serviteur ne mérite pas de reproches. Celui qui, au contraire, a les capacités mais ne veut pas les mettre à profit, devrait à juste titre en souffrir beaucoup. Brendan, ce saint de Dieu, naquit de la lignée des rois d'Irlande. Étant de haut lignage, il se voua à un noble objectif. Il savait ce que dit l'Écriture : « Celui qui fuit les délices de ce monde sera tellement comblé auprès du Père céleste qu'il n'en saurait réclamer davantage. »

Ainsi cet héritier de la couronne renonça-t-il aux faux honneurs en faveur des vrais. Afin de s'humilier dans ce monde et de s'en exiler, il se fit moine, entra dans les ordres et prit l'habit; ensuite il fut élevé au rang d'abbé sans pourtant rechercher cet honneur. Ses dons étaient tels qu'ils lui attirèrent de nombreux disciples qui adhérèrent fidèlement à l'ordre qu'il avait établi. Brendan le pieux eut sous sa direction, en différents endroits, trois mille moines qui prenaient tous exemple sur sa grande vertu.