Les moines accomplirent les ordres de Brendan, et ils y demeurèrent trois jours. Samedi arrive un messager qui les salue de par Dieu. Il avait les cheveux blancs, les yeux jeunes : il avait vécu longtemps à l'abri de tout danger. Il leur apporte du pain sans levain de son pays en forme de grosses miches très blanches; s'il leur manque quelque chose, il promet bien de leur fournir tout ce qu'ils désirent. L'abbé voulut se renseigner sur les conditions de vie du pays. Je ne sais s'il était très causeur, mais le messager lui en dit très peu. « Nous avons », répondit-il, « tout ce que nos coeurs peuvent souhaiter et largement. » L'abbé reprit : « Il y a ici des brebis plus grosses que j'ai jamais vues ailleurs. » L'autre lui répond : « Ce n'est pas étonnant; jamais on ne trait les brebis ici; l'hiver n'est pas rigoureux, et aucune ne meurt de maladie. Monte à bord de ton bateau, Brendan, et va dans cette île que tu vois là-bas. Tu y arriveras cette nuit, et demain tu y célébreras la fête de Pâques. Demain vous partirez avant la fin de la journée; vous verrez très bien la raison de votre retour précipité. Vous reviendrez sans difficulté si vous naviguez en longeant cette côte de près. Vous irez par la suite dans un autre endroit tout près d'ici où j'irai moi-même après vous et où je vous retrouverai; je vous apporterai les provisions qu'il vous faut. »

Sans discuter, Brendan s'embarque pour l'île qu'il distingue clairement. Dieu lui envoya un vent propice, et il fut bientôt arrivé malgré le long parcours qu'il eut à faire; c'est ainsi que voyage celui que Dieu conduit. Ils accostent sans difficulté.