Chemin faisant, l'abbé voulut se renseigner sur le pays où ils étaient arrivés, mais le vieillard resta muet et laissa ses questions sans réponse. Il leur fait pourtant un accueil chaleureux et très joyeux. Ils continuent leur chemin, et bientôt leur destination se découvre à leurs yeux : une belle et admirable abbaye, plus sainte que toute autre au monde. L'abbé du monastère exhibe ses reliques et ses trésors : croix, châsses, évangéliaires ornés avec luxe d'améthystes et garnis d'or et de pierres précieuses non taillées, encensoirs d'or massif incrustés de gemmes. Les vêtements sacerdotaux sont tous brodés d'un or plus  éclatant encore que celui d'Arabie, et lourds d'hyacinthes et d'énormes sardes entiers, les fermoirs resplendissent de topazes et de jaspes. Tous les moines en tenue de cérémonie sortent avec leur abbé et forment une procession des plus nobles et des plus joyeuses.

Ayant embrassé Brendan et tous ses compagnons, les moines les conduisent, la main dans la main, à l'intérieur de leur abbaye, où ils célèbrent un bel office très simple qu'ils s'efforcent de ne pas rendre trop solennel. Ensuite ils vont manger au réfectoire où, hormis la voix des lecteurs, le repas se déroule en silence. Chacun trouve devant soi un pain blanc sans sel, savoureux et sain. A la place des plats cuisinés, on sert des racines comestibles qu'ils trouvent plus nourrissantes que les mets les plus délicats. La boisson qu'ils prennent ensuite est délicieuse : une eau plus douce que le vin sucré. Restaurés, ils se lèvent de table et vont à l'église en psalmodiant. Jusque dans les stalles de l'église les moines continuent tous de chanter le miserere, tous sauf ceux qui avaient servi pendant le repas et qui maintenant prennent leur tour à table dans le réfectoire.