Quand on voit Dieu si prompt à fournir nourriture et vêtement, à porter secours à ceux qui sont en grand danger, et à les arracher aux griffes de la mort, on ne doit jamais désespérer, mais plutôt raffermir sa foi. L'abbé dit à ses compagnons : « Laissons tomber tout le reste : un tel seigneur mérite bien qu'on le serve. » Ce à quoi les moines répondent spontanément : « Nous avons la certitude qu'il nous aime. » Le lendemain ils aperçoivent la terre et se croient arrivés à bon port. Ils s'empressent d'accoster et de débarquer afin de se reposer de la fatigue du voyage. Ils dressent leur tente dans les prés et tirent leur bateau au sec. Au moment où ils touchèrent terre, les coups de vent s'intensifièrent; Brendan comprit, l'air étant déjà humide, que le temps allait se gâter sérieusement. Un vent contraire s'était levé, et les provisions touchaient à leur fin. Mais ce n'est pas assez pour consterner les moines, quel que soit le danger qu'il courent. Grâce aux exhortations de leur abbé et aux bienfaits qu'ils reçoivent partout de Dieu, il leur est tout à fait impossible de manquer de foi, quoi qu'il leur arrive au cours du voyage. Peu après, juste au bon moment, leur apparaît un des trois morceaux du monstre démembré. Les vagues le poussent si bien qu'il est rejeté près d'eux sur le rivage. L'orage le conduit jusqu'à la terre afin qu'il soulage la faim des pèlerins. « Voyez, seigneurs », dit Brendan, « celui qui vous a attaqués naguère nous porte maintenant secours par la grâce de Dieu. Vous aurez à manger pour longtemps. N'ayez pas peur; il nous servira de nourriture, tout hostile qu'il fût envers nous. Prenez-en autant que vous jugez bon pour nous durer trois mois. » Ils s'approvisionnèrent, suivant les ordres de l'abbé, pour la période prescrite. Ils remplirent leurs tonneaux d'eau douce des fontaines, et firent provision de bois à brûler. Dès qu'ils eurent un vent favorable, ils s'embarquèrent.