Les moines, continuant leur voyage, distinguèrent clairement en haute mer un énorme pilier. Il était couleur de saphir, fait d'hyacinthe pure, sans trace d'autre matériau. Celui qui en serait maître posséderait une grande richesse. Il s'élevait jusque dans les nuages et descendait au fond de la mer. Tout autour, depuis le sommet jusqu'à la surface de l'eau, s'étendait un auvent d'or précieux travaillé avec finesse; toutes les richesses du monde n'auraient pas suffi pour le construire: Brendan met le cap sur ce pilier, et il a hâte d'y parvenir. Sans amener la voile, il arrive sous l'auvent avec son bateau et ses moines. Là où le pilier s'enfonce dans la mer, il voit un autel d'émeraude dont le tabernacle est en sardoine et le pavement en calcédoine, le tout soutenu par une poutre d'or pur ancrée dans le pilier. Les lampes sont en béryl. Les moines, ne craignant plus aucun danger, restent ici jusqu'au troisième jour, et chantent la messe à tour de rôle. Brendan se résout à ne pas essayer de pénétrer le secret de Dieu. Il dit aux moines : « Faites-moi confiance; je suis d'avis que nous partions d'ici; allons-nous-en ! » L'abbé emporte un magnifique calice tout en cristal. Il est certain de ne pas se détourner de Dieu en le prenant, puisqu'il le destine à l'office divin.