Les pèlerins ont déjà parcouru une très grande distance, mais ils n'entrevoient pas encore la fin. Pourtant ils ne ralentissent pas leurs efforts : plus ils avancent, plus ils se mettent en peine, et ils ne cesseront de peiner jusqu'à ce qu'ils voient l'objet de leurs désirs. Ils virent poindre, au milieu des brumes, une étendue de terre entourée de nuages et de brouillard noir. Ensevelie sous un linceul de noirceur et environnée de fumées putrides, elle puait plus que la charogne. Les moines n'avaient aucun désir d'y faire escale, et de très loin ils se rendirent compte que l'île leur réservait un mauvais accueil. Malgré les grands efforts qu'ils font pour changer de cap, ils se trouvent obligés de se plier au vent qui les pousse dans cette direction. L'abbé les met au courant de ce qui se passe en disant : « Sachez bien que vous êtes propulsés vers l'Enfer. Vous n'avez jamais eu si grand besoin de la protection de Dieu qu'en ce moment. » Brendan leur donne sa bénédiction. Il sait bien qu'ils s'approchent du puits de l'Enfer : plus ils s'en approchent, mieux ils voient que c'est un lieu maléfique, et plus cette dépression leur semble ténébreuse.

Projetées des vallées profondes et des fosses, d'énormes lames enflammées s'envolent dans l'air; le vent, comme venant d'un soufflet, mugit; le tonnerre ne rugit pas si fort. Lames étincelantes, roches en fusion et flammes volent si haut dans l'air que la lumière du jour en est masquée.