« Le jeudi je suis replongé en bas, et pour me faire subir une pénible contrariété, je suis enfermé dans un lieu glacé, très obscur et on ne peut plus noir. J'ai si froid que j'ai hâte de me retrouver dans le feu qui brûle si fort; il me semble alors qu'il n'existe pas de tourment auquel je suis plus sensible que celui du froid; chaque tourment, au moment où je les souffre, me semble le pire de tous. Le vendredi je reviens en haut où m'attendent tant d'autres façons de mourir. On m'écorche alors tout le corps si bien qu'il n'y reste plus de peau.

Puis, avec un pieu ardent, on m'écrase dans un mélange de suie et de sel; dès lors une peau toute nouvelle repousse en peu de temps afin que le tourment puisse reprendre. Dix fois au cours de la journée on m'écorche entièrement à vif et m'oblige à me rouler dans le sel; puis on me fait boire un mélange bouillant de plomb et de cuivre fondus. Le samedi je suis précipité en bas où d'autres diables varient mes souffrances; je suis incarcéré dans une geôle, la plus affreuse de tout l'Enfer, la plus immonde de tout l'Enfer; je n'ai pas de corde pour y  descendre. Sans lumière, dans l'obscurité et la puanteur, j'y reste étendu. La puanteur est si forte que je crains à tout moment que mon cœur n'éclate. A cause du cuivre que les diables d'en haut m'ont fait boire, il m'est impossible de vomir. Je gonfle à craquer, et ma peau se tend; je suis oppressé, et peu s'en faut que je n'éclate. Chaud, froid, puanteur, c'est là le genre de souffrances que subit Judas. Hier étant samedi, je suis arrivé ici tôt l'après-midi, et aujourd'hui je peux rester assis à me reposer. Bientôt le soir m'apportera des supplices : mille diables arriveront en coup de vent, et je n'aurai plus aucun repos une fois qu'ils m'auront saisi. Mais Brendan, si tu en as le pouvoir, fais en sorte que cette nuit j'aie un répit ! Si tu as les mérites requis, intercède pour que j'aie une trêve cette nuit ! Tu es saint et pieux, je le sais bien, puisque tu as réussi à pénétrer jusqu'ici sans crainte. »