Brendan, en entendant toutes les souffrances de Judas, pleurait à chaudes larmes. Il lui ordonne de lui expliquer la signification du morceau d'étoffe qui lui enveloppe le visage, et du rocher où il se cramponne, et lui demande d'où il vient et qui le lui a donné. Judas lui répond : « De mon vivant j'ai fait très peu de bonnes actions et beaucoup d'actes insensés. Le bien et le mal que j'ai faits me sont maintenant faciles à discerner, et il m'est clair lequel des deux me tenait le plus à cœur. Avec l'aumône que j'avais gardée pour moi, j'avais acheté de l'étoffe pour vêtir un pauvre nu, ce qui m'a mérité celle qui m'entoure la bouche et m'empêche de me noyer. Quand l'eau me frappe en plein visage, cette étoffe me fournit une certaine protection, mais, puisque je ne l'ai pas achetée de mon argent à moi, elle ne m'est d'aucune utilité en Enfer. Sur une rivière très dangereuse à passer, j'avais construit un remblai sur lequel j'avais érigé une passerelle solide, et par la suite beaucoup de gens ont pu traverser en toute sûreté : pour cette raison j'ai un certain allégement ici dans ma très grande affliction. »

En début de soirée, Brendan put vérifier ce que Judas lui avait dit : il vit arriver mille diables pour le tourmenter et le mettre au supplice. Ils se dirigent droit sur le misérable; l'un d'eux s'avance d'un bond et l'attrape avec un croc. Brendan leur dit : « Laissez-le là jusqu'à demain matin, lundi. » Les diables répondent d'un ton de défi qu'ils vont bel et bien l'emmener. Brendan reprit : « Je vous l'ordonne. J'invoque Jésus pour s'en porter garant. » Les diables sont obligés de le laisser; leurs efforts restent vains jusqu'à la fin. Brendan y passe la nuit, au grand mécontentement de tous les diables rangés en face; il leur tarde qu'il fasse jour; de leurs voix hargneuses et rauques, ils menacent Judas d'augmenter ses peines. A quoi Brendan répond : « Il n'aura pas plus de tourments que ceux auxquels il a été condamné. » Aussitôt la lumière du jour revenue, ils emmènent Judas et repartent.