Ils voient tout d'abord un mur qui s'élève jusque dans les nuages, un mur sans créneaux, ni chemin de ronde, ni brétèche, ni tour d'aucune sorte. Aucun des moines ne sait, à vrai dire, de quel matériau ce mur est construit, mais il est encore plus blanc que neige : c'est le Roi céleste qui l'a érigé. Il l'a fait sans le moindre effort, tout d'une pièce et sans brèche. Il est parsemé de gemmes qui projettent une grande lumière éclatante : chrysolithes de choix tachetés d'or en grande quantité; le mur flamboie, resplendissant de topazes, chrysoprases, hyacinthes, calcédoines, émeraudes, sardoines; en bordure, des jaspes et des améthystes luisent avec éclat; il y a aussi la jacinthe brillante, le cristal et le béryl qui se renvoient leur luminosité : c'est un artiste de grand talent qui a su monter de telles pierreries. Elles réfléchissent entre elles la grande brillance de leurs couleurs qui se reflètent à leur tour les unes dans les autres. La mer clapote contre les hautes montagnes de marbre dur qui s'étendent loin du mur; et sur cette chaîne de montagnes de marbre s'élève une autre montagne entièrement d'or pur. Au sommet de celle-ci se dresse le mur qui enclot les fleurs du Paradis. C'est ce mur, situé ainsi en position dominante, qui (s'il n'y avait pas eu Adam) aurait dû nous servir d'abri. Les moines mettent le cap directement sur l'entrée, mais il leur est très difficile de la franchir, car elle est gardée par des dragons qui brûlent de partout comme s'ils n'étaient que flammes. Au-dessus de l'endroit par où l'on entre est suspendu un glaive, la poignée en haut, la pointe en bas; celui qui n'en a pas peur est bien téméraire, et il n'est pas étonnant, je crois, si les moines s'effraient. La glaive se balance et tournoie; rien qu'à le voir, on a le vertige. Ni le fer, ni le roc, ni le diamant ne donnent de protection contre son tranchant.